Ce matin, c’est non sans une certaine fierté que nous enfourchons nos vélos, car se présente devant nous les premiers escarpements de notre dernier col à plus de 2000 mètres.
Il y a quelques jours de cela nous étions face à l’inconnu et à ce questionnement ; allons nous y arriver ? Nous savons bien que dans tous les cas, l’essentiel c’est d’essayer. Ne reste ignare que celui qui n’essaye pas et ce matin la réussite du passage du dernier col nous donne un sentiment de force et de certitudes. En étant accompagné d’une forte détermination, l’on peut gravir des sommets qui nous semblent inatteignables.

La victoire n’ouvre ses portes qu’à ceux qui osent et savent sortir des sentiers connus.
Sans fanfaronnade, sans être imbus de nous même, c’est avec une fierté intérieur que nous traversons de magnifiques gorges puis le route s’élève à flanc de montagne. C’est très rocailleux et plus on monte, plus le paysage s’ouvre et se laisse envahir de verdure dans lesquels s’ébattent de nombreuses brebis aux clochettes aiguës, surveillées par des chiens patoux. Ils nous font bien sentir de rester sur la route et de ne pas venir taquiner le troupeau.
Ce paysage inouï nous fait oublier que nous avons 30 kilomètres de montée, avec une pente moyenne plutôt sympathique de 4,8%, les derniers kilomètres sont un peu plus sévères dépassant les 8%. Cette route monte en lacets et nous fait franchir un torrent à des étages différents.

Nous sommes dans une telle euphorie face à nos capacités, face à la beauté de cette nature que cela nous propulse vers le sommet avec la même légèreté que le chamois sautant de roche en roche. Nous prenons le temps d’échanger, d’observer et de nous émerveiller.
En 11 jours, nous avons escaladé 15 278 mètres de cols aux pourcentages bien différents.
Dire que ce fut facile ne serait pas honnête. Il nous fallut de la persévérance, de la volonté et de la ténacité. Jamais l’idée d’abandonner nous a effleurée, toujours une forte détermination au fond de nous, nous poussant à franchir ce col puis le suivant et encore le suivant.
Il n’y a que celui que nous gravissons qui nous obnubilait, nous ne laissions pas nous pensées se perdre dans les escalades des lendemains. Chaque pas, l’un après l’autre nous permet de vivre dans ces montées des sentiments de contentement, de satisfaction, de confiance en soi, nous sommes subjugués par une immense joie.
A cela s’ajoute une autre dimension, un privilège, celui de vivre dans l’antre du coeur des Alpes depuis plus de 10 jours.

Tous les jours, chaque instant, chaque seconde, notre regard se délecte devant cet assemblage de délicatesse et de force, de finesse et de rudesse, de perfection et de puissance.
Nous sommes de minuscules spectateurs de cette pièce de théâtre de la nature qui évolue depuis des millions d’années et qui chaque jour continue sa transformation aussi infime soit-elle.
A ce moment je me dis, combien de mes congénères refusent de changer quoique ce soit dans leur vie, dans leur caractère avec ces simple phrases :
Je ne peux pas, je ne veux pas, je n’y arriverais pas, ce n’est pas possible.
Sous nos yeux la vie démontre que tout est changement.
Nous vivons aussi avec la simplicité et la cordialité des montagnards. Résonne encore en moi ces mots d’un homme dont les rides et le corps voûté indiquent les années passées à suivre les troupeaux dans ces pentes raides et ceci quelque soit la météo. Nous venons de nous faire doubler par des motos bien bruyantes, il est devant chez lui à profiter des premiers rayons de soleil, je lui glisse un grand salut et il nous lance :
-« Vous allez moins vite, vous faites moins de bruit mais vous y arriverez aussi ! »
Cet homme, un livre de la vie ; en quelques mots il a tout dit !
Regardons la nature, elle prend son temps et tout est parfait.


- La finesse d’une fleur
- La grâce du rapace
- L’adresse du chamois
- La force de l’arbre
- La puissance du glacier
- La rapidité de la marmotte
- La légèreté du papillon
- La délicatesse de l’oiseau

C’est dans ce milieu où règne l’harmonie que nous évoluons chaque jour, pas étonnant que nous nous sentons des ailes.
Et quand il y a rupture dans cette délicatesse, cette perfection c’est la main de l’homme qui est intervenue.
Nous voici au col de la Cayolle, nous nous installons dans l’herbe fraîche pour le casse-croûte

face à un panorama à couper le souffle, mais pas l’appétit.

Arrive Carine et Philippe, ils nous accompagne dans nos agapes et nous profitons de ce temps pour partager nos impressions, nos sentiments sur ce que nous vivons.
La borne marquant le passage du col indique : Nice 130 kilomètres.

Pour nous un jet de pierre, dans quelques jours nous sommes au bord de la Méditerranée et la route des grandes Alpes sera terminée, mais nous avons encore quelques cols à franchir.
Dans la descente nous constatons que les roches changent tantôt de la roche pelite puis de la volcanique aux teintes différentes.
Nous arrivons à Guillaume, il est encore tôt pour terminer notre étape et nous nous sentons en pleine forme. Nous poursuivons notre route en direction de Valberg qui n’est qu’à 14 kilomètres.
Les deux premiers kilomètres sont relativement plats et longent une rivière asséchée.

Après les hautes altitudes et leur fraîcheur, il fait lourd dans ce fond de vallée et nous avons du mal à respirer. Peone un joli bourg accroché à la montagne se présente à nous, mais qu’est ce qu’elle monte cette route elle nous semble de plus en plus pentue. Un peu trop sûr de moi, j’ai relâché mon information sur l’étude du profil du col et nous voici engagés dans une pente de 7,5% et un passage à 10%.
Avec le col de la Cayolle dans les jambes qu’est ce qu’elle nous paraît longue cette montée. Enfin nous voici au col de Valberg et la station de ski du même nom.

Nous filons sur Breuil au camping et nous profitons d’un petit orchestre qui anime la soirée.
Ce matin réveil dans ce camping où il fait frais, mais rapidement la boule de feu brille dans un ciel uniformément bleu ce qui paraît-il est synonyme d’évasion. Cela réchauffe notre carcasse et nous partons pour les sept kilomètres qui nous séparent du col de la Couillole et ses 1678 mètres, une montée tranquille en-dehors d’un passage à 10% dès le deuxième kilomètres et un final à 8,8%.

Puis nous abordons une longue descente en direction de St Sauveur sur Tiné. Cette fois-ci nous constatons que nous sommes dans les Alpes de Hautes Provence car nous abandonnons gants, pantalons et retrouvons le maillot à manches courtes.

Encore et toujours ces montagnes, ces vallées, ces sommets grandioses. C’est ce qui nous attire et nous sommes à chaque fois ébahis devant la grandeur de ces paysages. Ici ce sont d’immense roches avec des dégradés de mauve allant vers l’orange et sur notre droite nous dominons une gorge vertigineuse. Plus loin c’est un vieux village trônant sur les pentes escarpées de la montagne.

Cette vallée nous mène à St Martin de Vésubie où nous sommes face à la montée du col St Martin qui se situe dans le massif du Mercantour et nous fera passer de la vallée de Tine à la vallée de la Vésubie. Ce n’est pas puisqu’il n’est qu’à 1503 mètres d’altitude qu’il faut le narguer, sa pente est quand même de 6% avec un passage à 9%.
La route est calme dans ce col, nous retrouvons la chaleur et pour nous stimuler nous sommes accompagnés du chant des cigales, ce qui nous ravit. Mais voici des jours et des jours que nous sillonnons au travers de ces sommets et pics. Que nous voyons sur le bord de la route des panneaux indiquant les sentiers de randonnées cette fois ci nous n’y tenons plus, il nous faut poser nos vélos et grimper dans ces montagnes, prendre de la hauteur. Il y a quelques jours, la météo instable nous faisait hésiter, le temps c’est définitivement mis au beau, nous ne résistons plus à la grandeur de ce désir. Nous arrêtons notre ascension à St Dalmas où nous allons au camping municipal et demain nous trouverons bien un sommet à gravir dans les environs.

Nous n’arrivons pas trop tard et en profitons pour visiter cette petite ville médiévale.
Le gardien du camping nous indique une randonnée à effectuer en direction des lacs.
Satisfait et heureux de ce qui nous attend demain nous partons dans les bras de Morphée.
Le prochain épisode randonnée et …
* Vous trouvez peut être ridicule ces photos à chaque passage de col. Moi même je me suis demandé si je voulais les mettres car elles ne sont pas toujours très belles. Je me suis remémoré l’époque où nous effectuons ce voyage. Au départ nous nous demandions dans quelle aventure nous nous lancions et le passage de chaque col était une victoire sur nous, un pas de plus vers la réussite de notre objectif. C’était à ce moment là quelque chose de très important pour nous et c’est la raison qui me pousse à les publier. J’ai envie de dire en respect à nous même, à ce que nous avons réalisé.
C’est vrai que chaque passage de col était pour la réussite d’un exploit et une fête intérieur, une fête entre nous
Alors encore de belles lectures à venir.
Amicalement
Pascal
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J’adore le commentaire en * à la fin de votre page de blog: c’est tout VOUS ! Elles ne sont pas du tout culcul vos photos de coureurs cyclistes, on est content de vous voir radieux au pied des panneaux d’altitude.
En tout cas, un regard exercé à vos belles photos voit bien qu’au fil des km la nature change: plus lumineuse, plus verte, on dirait le sud …
Merci de vos témoignages qui nous sortent de la grisaille ambiante.
Amitiés, Thierry
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