Nous sommes samedi 11 juin, après un rendez vous où je me suis rendu avec Laetitia en véhicule, je décide de rentrer en vélo de route.

Depuis le matin je me demande si c’est bien intelligent, car après un footing la veille avec une pente raide à monter et une descente technique et rapide, j’ai les jambes un peu lourdes.
Même s’il faut écouter son corps, il faut comprendre ce qu’il nous dit et trouver l’équilibre entre le dorloter et le bousculer.
En moi, un fort sentiment me dit d’y aller malgré les fortes chaleurs actuelles et il me conseille ceci : » une fois sur la route écoute bien ton corps, part doucement, tu auras un moment difficile et sur la fin tu retrouveras de la vigueur. »
Dans la voiture on ressent la brûlure des rayons du soleil et nous nous interpellons : est-ce judicieux ?
Je rassure Laetitia en lui rappelant que dans le pire des cas, elle n’est pas loin et peut me récupérer.
Il est 16h11, je monte sur mon vélo. La chaleur est mordante et à ce moment je sais que mon parcours ne va pas être simple. Mais je trouve qu’il est intéressant de repousser ses limites, de se tester et savoir se malmener pour ne pas rester dans la facilité. C’est aussi savoir réaliser des actes qui nous font rêver, cela forge le caractère et ouvre les portes de la satisfaction
C’est parti!
Après deux kilomètres se présente un raidillon de 13% sur 500 mètres à flanc de coteau, bien protégé du moindre souffle d’air.
La chaleur envahit mon corps, ma tête rapidement devient bouillante, ma gorge s’assèche.
Le haut de cette côte se termine à une intersection. Quelques mètres après, je m’arrête à l’ombre pour récupérer et surtout me désaltérer. J’ai des difficultés pour boire en montant, cela me coupe le souffle.
La route ne me laisse pas de répit, elle continue de grimper avec un pourcentage plus raisonnable, parfois interrompue par de courtes descentes ou de légers faux plats.
Le soleil qui est dans mon dos, m’enveloppe de sa chaleur et je dois être attentif aux signaux que me donne mon organisme ; c’est ce que j’aime dans ses instants. Je ressent que mon corps est en peine, mais c’est comme si il y avait un deuxième moi ; qui est au-dessus, derrière ou tout au fond de mes tripes ; il me motive et me donne des conseils. Je sais qu’ensemble nous pouvons outrepasser la difficulté à la condition que je sache doser l’effort.
» N’hésite pas à mouliner, accepte de réduire la vitesse. Il faut que tu en garde sous la pédale, comme on dit dans le jargon*. »
Être à l’écoute de soi, de sa déshydratation, des battements de son coeur, du souffle, car il ne faut pas que je me mette dans le rouge, c’est stimulant. Rien ne sert de lutter ou de maudire la chaleur, je dois l’accepter, c’est le seul moyen pour la vaincre.
Je ne doit pas me laisser envahir par le regret d’être parti ou me critiquer pour m’être lancer dans ce périple, car certain avait bien dit que c’était absurde.
Je ne laisse pas de place pour les pensées inutiles ou toutes suppositions, cela serait perdre de l’énergie. Il y a mon corps et moi qui l’encourage, le guide et le rassure. C’est un type de méditation pour moi. Je suis totalement dans l’instant présent et plus rien ne compte. La concentration sur soi c’est ce qui révèle sa puissance.
Je passe un hameau, sur ma gauche un robinet, il se présente au bon moment celui-là. Il n’y a pas à hésiter, c’est une aubaine que je dois saisir.
Je pose mon vélo à l’ombre puis je me verse successivement quelques gourdes d’eau presque froide sur le tête. Je suis trempé et je sens comment mon corps est satisfait de pouvoir abaisser sa température, il me remercie. Il aurait presque envie de repartir dans la foulée, mais il faut savoir canaliser son intrépidité. Je prends du temps, me désaltère et laisse mon organisme se détendre. Je regarde mon compteur qui est à l’ombre, il m’indique 36° !
Le souffle plus calme, la tête rafraichit, le gosier bien humecté, je remonte sur mon vélo et continue cette côte qui n’en fini plus.
Enfin voici une descente, je prends de la vitesse, le courant d’air me fait du bien. Je pourrais mettre le petit braquet et tirer un peu plus sur les jambes, mais je préfère rester en roue libre, ou mouliner souplement, il faut que je me ménage.
Le bourg de Bénafim se présente à moi, je connais ce secteur. J’ai une légère montée à la sortie du village, puis je longe le magnifique décor de la Rocha da Pena, ensuite la route descend, s’en suivent quelques virages, mais c’est bien plat et j’arrive dans la petite ville de Salir.

Dans des moments difficiles comme ceux-là, il est agréable de connaitre le terrain sur lequel on évolue, cela permet de gérer l’effort intelligemment.
A la sortie de Bénafim, une fontaine me tente. Je jauge mes gourdes, j’ai assez d’eau pour me désaltérer, il ne faut pas non plus se laisser aguicher par la moindre sirène qui chante sur le bord de route et casser son rythme. Cela aussi est un art savoir quand la machine à besoin d’arrêt et savoir quand celui-ci peut devenir nocif.
Je sais que j’ai une belle aire de repos à Salir, mon objectif est là et ma volonté m’interdit tout arrêt, même si c’est tentant je repousse ce que mon corps me réclame.
Après la descente, sur ce secteur plat, la chaleur est étouffante et je suis carrément asphyxié. Je lève un peu le pied, la pause est proche.
Voici l’entrée de Salir, le parque de Mérenda n’est plus très loin, au pied d’une légère côte.
J’y suis, je file au robinet pour à nouveau me doucher de plusieurs gourde d’eau, celle-ci est plus fraiche qu’a la précédente fontaine et c’est bien agréable.
Je termine ma gourde de graine de chia. Je bois fréquemment une préparation de graines de chia avec un peu de sucre et du jus de citron•, cela redonne un coup de fouet.
Je prend du temps, je me repose, me rafraichi encore. A ce stade, il me serait facile de demander à Laetitia de me récupérer, mais il l n’est pas dans mes habitudes d’abandonner. Quand je faisais de la compétition de course à pied, il m’est arrivé de terminer dernier, mais jamais abandonner. Pour moi on abandonne pour cause de maladie ou blessure grave, le reste on se fouette avec le mental, dans ces cas là, il est bien utile le gaillard.
J’envoie un message pour rassurer Laetitia : « ce n’est pas facile mais je vais y arriver ».
Je trace dans ma tête la route qu’il me reste à faire, soit douze kilomètre pour arriver à Baranco do Velho, village de montagne. J’ai donc sept kilomètre de montée avec une pente variant de 4 à 6 %.
Bien rafraichit, bien désaltérer je repars, la volonté pour arriver jusqu’à notre chez nous est présente avec force. De suite sur la route la chaleur se fait sentir, même si le soleil décline, il est encore très chaud et le macadam réverbère la chaleur emmagaziné la journée, c’est irrespirable.
Après cette légère côte, la route descend en pente douce et là-haut sur la crête de la montagne, j’aperçois des maisons blanches, c’est là que je me rends.
Cette partie facile se termine et voici les premiers lacets du col, je n’hésite pas à mettre du grand développement et à mouliner, mon objectif est d’arriver au sommet sans être épuisé.
Après les trois premiers kilomètres, je ressens la fatigue, alors je garde mon rythme qui ne m’amène pas à l’essoufflement. J’espérais qu’en montant il y aurait un peu de vent pour me rafraîchir, mais il n’y a pas un brin d’air.
J’ai en objectif de m’arrêter à une aire de pique-nique deux kilomètres avant le sommet.
Je suis content quand elle apparait dans mon champ de vision et c’est satisfait de moi que je descends de mon vélo. Je m’asperge une dernière fois, je profite aussi du paysage. Je me désaltère, mais garde encore un peu d’eau, car au sommet il me reste encore douze kilomètres à parcourir sur la nationale 2, route mythique au Portugal, traversant tout le centre du pays du nord au sud. Tout Portugais se respectant doit la faire une fois dans sa vie et tout touriste respectant les Portugais doit aussi la visiter. Nous l’avons déjà parcouru en véhicule et une partie en vélo, elle est magnifique.

Cette pause c’était la dernière et quand je remonte sur mon vélo je me sens bien, il y un peu d’ombre sur la route. Je suis content de moi, j’ai bien gérer l’effort et la difficulté car j’en ai encore sous la pédale* et je termine ce col à 13 km/h alors qu’avant la pause je tournais à 10.
Arrive le sommet et cette fois-ci je m’élance dans cette première descente qui très rapidement s’inverti en montée qui me fait mal dans les jambes. J’appuie un peu plus fort, la douleur augmente, mais aussi la vitesse du vélo de cette manière cette côte se termine plus vite.
Je sais qu’il reste trois bosses légères de 200 mètres et le reste c’est la descente jusqu’à l’entrée du village de Alportel avec un dos d’âne où deux voitures ralentissent énormément. Étant à 45KM/H je double la première et me met un honneur de doubler la seconde en me levant sur les pédales et en danseuse, je relance mon vélo à la vitesse de 50KM/H pour la doubler.
Bon je me calme pour le kilomètre restant et voici que j’ouvre le portail de l’Ecopark, j’ai vaincu la chaleur, ma souffrance et je joui d’une énorme satisfaction.
J’ai parcouru 41 kilomètres pour 705 mètre de dénivelé ascensionnel en 2 heures et 6 minutes.
Je suis gratifié de la fierté de Laetitia quand elle arrive.
Après cela je me refait la cerise encore du jargon de cycliste.*

Se faire mal, pousser son corps dans ce que l’on croit pas possible, se faire le cadeau de la réussite ; apporte une vision de vie qui n’est pas toujours explicable, parfois incompréhensible pour les autres, mais je peux vous dire que c’est exeptionnel.
Je rêve de défi, je rêve de folie, je rêve d’action que beaucoup n’entreprendront pas en invoquant la raison. Donner vie à ses rêves ; n’est ce pas se mettre au défi ? éviter de stagner, se pousser à explorer un nouveau chemin et avoir une vie passionnante ?
Le rêve n’est pas une utopie comme veut nous le faire croire le savoir-vivre ou la norme sociétale. Le rêve fait partie de nous, il nous faut le nourrir pour l’autoriser à s’exprimer ; cela permet de se découvrir des talents cachés et d’irradier dans la vie

Alors essayer avec de petites choses tel que rompre des habitudes, mais bougez ! Que risquer vous ? Souffrir un peu ! Et alors qu’est-ce que cela représente sur une vie ?
Je me sens en vie et je suis comblé de bien-être !
• Préparation a l’identique des indiens Taharumaras du Mexique. Un demi litre d’eau, deux cuillères à soupe de graines de chia ( de préférence bio), le jus d’un citron et rajouter du sucre complet selon votre goût. Laisser reposer au moins une demi-heure avant de boire et lire le livre Né pour courir.
Salut Thierry,
Merci pour tes belles paroles.
Il faisait 36° à l’ombre. J’ai remis l’information dans le texte.
Bien amicalement.
Pascal
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Chapeau pour cette belle course en solitaire, durant laquelle tu étais seul face à toi-même.
Tu as bien géré ton effort dans la canicule et le dénivelé impressionnant pour une quarantaine de km. Tu ne précises pas quelle t° il faisait mais sans doute largement plus de 35, non ?
Merci pour les réflexions et les conseils, l’expérience parle !
Bon séjour en Algarve, amitiés, Thierry
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